
Dreamland
Soloshow de Morgane Portal
Vernissage le 27 Aôut de 18h à 21h
A la Galerie Kokanas
53 chemin du vallon de l'oriol
13007 Marseille
De l’importance d’être discret.
Comme les monstres d’enfants se tiennent derrière la porte de l’armoire et disparaissent lorsqu’on veut les montrer, les œuvres de Morgane Portal semblent passer leur temps à se cacher.
Simone Weil dit que l’artiste doit disparaître dans sa création ; de même Morgane voudrait être absente à ses oeuvres. Elle a cette discrétion.
Dans cette série d’ailleurs, elle dessine par le manque. La silhouette de ses figures apparaît dans les portions de tissus laissées vierge par la pierre noire ; et c’est ainsi l’absence de trait qui, soutenant la fable et le sujet, transpose l’œuvre dans le territoire du rêve ou du passé. Le frottement de la pierre noire sur le lin produit une forme de vertige indistinct qui ajoute au charme de cet étrange lieu. Du reste, il semble qu’il n’y ait même pas de lieu, pas de monde. Hormis le monde informe et multiforme de la nuit, dont Charles Péguy, dit qu’elle est comme une mer qui entoure les iles innombrables des jours. Au cœur de cette immensité, les songes de Morgane Portal se nichent dans l’abstraction topologique qui leur convient. Une scène mentale, dirions-nous, toile vierge que viennent peupler des compositions hautement symboliques. Chaque élément y existe en vertu de sa connotation intime, de sa résonnance psychique. Il n’y a pas de drame. Il n’y a que des visions. Pas d’anecdote, rien que l’aveu furtif d’une passion. Chaque œuvre est ainsi une sorte de rébus poétique, délicate décalcomanie de l’âme de l’artiste. Vains tatouages, inscriptions aussitôt émoussées…Car -à la manière des estampes japonaises dont François Julien disait qu’elles ont cette douce « fadeur » propre à laisser l’imaginaire du spectateur entrer dans l’œuvre- ses dessins ne font pas irruption dans notre vue, mais plutôt nous appellent d’une voix douce comme celle du spectre de l’armoire.
C’est ainsi que Portal nous entraîne à travers les multiples arches de la pensée encombrée de rideaux, de briques de verre, de transparence, de quiproquos et de faux-semblance. Tout nous ramène à l’incertitude et la volatilité de l’existence. Tout semble fragile, prêt à s’évaporer.
On n’ose à peine entrer. Même du bout des yeux on ne saurait les toucher. Ces dessins sont tissus de fils d’araignées que le moindre éclat de voix pourrait disperser. Alors avançons humblement dans cette galerie de fantômes, avec pudeur et grâce ; et, pour ne point les effaroucher, rappelons-nous qu’il est très important d’être discret.